Boxe. Marcel Piau de Windsor s’est illustré dans les rangs amateur et professionnel durant près de dix ans
Windsor (RC) – Celui qui a dominé la scène sportive à Windsor durant Les années cinquante, M. Marcel Piau, est décédé le 4 février à l’âge de 76 ans. C’est à la boxe qu’il s’est illustré au Québec dans les rangs amateurs et professionnels de 1951 à 1959, mais également à travers le Canada, décrochant en 1954 le championnat canadien amateur chez les mi-moyens pour ensuite rafler la médaille de bronze aux Jeux de l’Empire britannique. Oeuvrant par la suite chez les professionnels, il sera considéré en 1958 comme l’un des six meilleurs boxeurs canadiens.
L’un des frères de Marcel Piau, Robert, a aussi fait sa marque dans le domaine la boxe à partir de 1953, réussissant tout comme son frère à se rendre au sommet de la boxe amateur au Canada. Lui et ses autres frères ont conservé les traces de cette époque à travers de nombreuses photos et découpures de presse, ce qui donne un bon aperçu du rayonnement de la boxe au Québec en cette période dominée par le boom économique de l’après-guerre.
À Windsor, ce sport de combat a profité d’une forte popularité à partir de la décennie précédente avec, entre autres, le windsorois Lucien Saint-Cyr qui connu quelques succès dans les Cantons-de-l’Est comme boxeur professionnel. Cette discipline a par la suite largement été inspirée et soutenue par plusieurs membres de la famille Piau.
« Marcel a tout d’abord commencé à faire du culturisme. Il y avait un club d’athlétisme à Windsor et des jeunes venaient s’y entraîner. Peu de temps après, mon frère s’est intéressé à la boxe et j’ai suivi le même chemin. Je me rappelle nos pratiques dans la cuisine de la maison familiale; on enlevait la table et les chaises et l’entraînement débutait avec nos équipements de fortune », se souvient Robert Piau.
Dans un article relatant la carrière de Marcel Piau paru en 1976, le journaliste Jean Arel recueillait ses propos sur ses premières leçons de boxe au YMCA de Sherbrooke où il se rendait trois fois par semaine à bord de l’autobus qui assurait quotidiennement l’aller et le retour entre les deux villes. C’était en 1951, année où le jeune homme de 18 ans commença aussi à travailler à l’ancienne usine de la Canada Paper, qui allait devenir par la suite celle de Domtar. « J’avais eu la chance de voir certains combats de boxe et ça m’avait plus beaucoup. (…) C’est difficile de devenir boxeur mais quand on aime jouer dur et qu’on aime le risque, cela facilite les choses », confiait Marcel Piau, qui était alors âgé de 43 ans.
Le jeune athlète avait le support de quelques oncles qui étaient eux aussi des amateurs de boxes, dont Alexandre et Damien Saint-Louis qui étaient les frères de sa mère, Regina. Il comptera notamment sur l’appui de l’un des frères du paternel Gaston, Paul Piau, qui avait pratiqué la boxe en sol européen, profitant des conseils de l’ex-champion français devenu entraîneur, Georges Carpentier. Cet oncle sera son entraîneur dès le départ au sein des rangs amateurs, partageant ainsi les succès de son neveu avec les promoteurs Leslie Connors, Raymond Murphy et Clément Robitaille.
De Sherbrooke à Vancouver
L’ascension de Marcel Piau débute au printemps 1952 lorsqu’il remporte au YMCA de Sherbrooke le trophée Consolation remis au boxeur mi-moyen (148 à 154) s’étant distingué pour son courage sur le ring. Durant cette même saison, il participe à Rosemont aux quarts de finale provinciaux des Gants d’or (Golden Gloves), qui sanctionnent annuellement les meilleures performances des jeunes recrues. En mois d’une minute et demie, il met au tapis son adversaire par un puissant direct. Dès lors, Marcel Piau sera reconnu comme un boxeur redoutable au niveau de la puissance de ses coups.
Un an plus tard, il remporte la finale des Gants d’or dans le cadre d’un gala de boxe à l’ancien Forum de Montréal. Le K.O. technique qui ébranle le boxeur Richard Walton sera télédiffusé en direct. Deux mois après avoir gagné son premier championnat provincial, l’athlète y va d’un autre K.O. technique, cette fois face à une autre figure montante de la boxe amateur, le sherbrookois Buck Emery.
Durant cette même année, les galas de boxe se succéderont à l’aréna de Windsor. Dans son livre Histoire de Windsor, Guy Moreau relate le passage d’un boxeur Français, Jos Kolleth, devant lequel Marcel Piau cumulera un autre gain. Plusieurs figures de la boxe seront de passage à Windsor dont, entre autres, les colorés «Rockie» Brisebois et Reggie Chartrand. Ce sera aussi durant laquelle Robert Piau, livrera ses premiers combats.
L’année 1954 sera la plus marquante pour le boxeur Windsorois. « En avril 1954, Marcel Piau remporte un deuxième championnat provincial des Golden Gloves en battant Buck Emery devant 5000 personnes au Forum de Montréal (…). Quelques jours plus tard, Piau est l’un des dix Québécois présélectionnés pour représenter le Québec à Vancouver lors des épreuves de boxe des Jeux de l’Empire britannique (les Jeux du Commonwealth). En mai, il est à Toronto pour tenter de se tailler une place au sein de l’équipe canadienne qui comptera seulement 10 des 78 boxeurs canadiens présélectionnés. Marcel Piau remporta le championnat canadien amateur dans la catégorie des 165 livres à cette occasion et méritera ainsi sa place à Vancouver (…) », peut-on lire à la page 275 du livre de Guy Moreau.
D’autres victoires chez les professionnels
Marcel Piau reviendra à Windsor avec la médaille de bronze, ayant jusque-là cumulé 25 victoires en 28 combats. L’étape suivante sera celle des rangs professionnels où s’ajoutent 25 victoires consécutives avant qu’il ne subisse au Forum de Montréal un revers face à celui qu’il avait vaincu en 1955, Yvon Turenne. Durant cette période allant de 1955 à 1957, il vaincra des boxeurs réputés dont plusieurs provenaient des Etats-Unis. Parmi eux figure Bobby Robinson, de Syracuse, contre lequel le boxeur de Windsor avait livré un combat que de nombreux amateurs ont retenu en mémoire.
Jusque-là, la série de victoires (la plupart par K.O.T.) avaient continué de mettre Marcel Piau à l’avant-scène de la boxe, suscitant dans sa ville natale un engouement propice à l’organisation de galas de boxe auxquels s’intégraient des activités visant à honorer le boxeur. De plus, son frère Robert allait connaître lui aussi beaucoup de succès, gagnant plus d’une fois les championnats amateurs du Québec et du Canada.
Après sa défaite contre Turenne et une seconde contre un Allemand établi à New-York, Marcel Piau s’éloignera du ring durant quelques mois. Il effectuera un retour attendu en mai 1958, signant à nouveau quelques victoires consécutives. La réputation et les succès du boxeur le mèneront à envisager la possibilité de pouvoir boxer sur le ring du Madison Square Garden à New-York. L’article de Jean Arel en fait mention, rappelant le refus de Marcel Piau de signer un contrat avec promoteur Eddy Quinn, alors considéré comme le monarque de la boxe à Montréal. « Il aurait fallu que je laisse la Domtar qui m’offrait quand même une sécurité et puis, il fallait que je pense à ma femme et à mon fils », affirmait alors M. Piau au journaliste.
La décision de boxeur face aux offres répétées du promoteur allait toutefois l’éloigner progressivement de l’action, les offres de combat devenant alors moins fréquentes. Toujours occupé par son travail à la Canada Paper et ne pouvant bénéficier d’un entraînement plus poussé, Marcel Piau devait aussi considérer les conséquences fâcheuses d’une blessure au bras d’où il puisait sa force de frappe. « Marcel a subi une opération dans le coude, mais ce n’était pas très réussie. Son bras n’était plus aussi souple et il ne pouvait plus l’allonger comme avant, ce qui réduisait sa portée », note son plus jeune frère, René.
Après quelques victoires et défaites, Marcel Piau décida de prendre sa retraite après avoir livré son dernier combat le 12 août 1959 au Forum. Un jour plus tôt, son deuxième enfant était né.
Marcel Piau a continué d’être à l’emploi de la Canada Paper puis de la Domtar durant plusieurs années. Il aura précédemment réussi à marier le travail et la boxe avec une énergie hors du commun, boxant le soir et travaillant la nuit ou le jour, selon les horaires. Considérant que la boxe lui a permis de vivre une belle jeunesse, de voyager et d’évacuer la vapeur dans le cadre d’une discipline exigeante, Marcel Piau a continué de s’intéresser à la boxe et à se maintenir en forme.
Résidant de Stoke, M. Piau laisse dans le deuil sa fille Danielle et son fils Mario. Il était le frère Madeleine, Paul, René, Robert et feu Jean. Afin de respecter ses dernières volontés, ces cendres n’ont pas été exposées.
La toute première photo de Marcel Piau prise lors de ses débuts à la boxe.
Une autre photo du boxeur, l’année durant laquelle il a décroché le championnat canadien.
Contribuant largement à la popularité de la boxe à Windsor et en région, l’ancien aréna qui était autrefois situé aux abords du club de golf a présenté plusieurs programme de boxe qui ont amené à Windsor des figures connues de la boxe. L’apport de Marcel Piau a maintes fois été soulignés comme c’est le cas ici avec cette photo prise sur le ring. Elle nous montre, à partir de la gauche, un responsable du YMCA de Sherbrooke dont le nom nous est inconnu, le maire de Windsor, Théophile Bolduc, Robert et Marcel Piau ainsi que leur oncle et entraîneur, Paul Piau.
Marcel Piau en action sur le ring devant un adversaire au sol. Sa force de frappe qualifiée de foudroyante a été sa signature dans les rangs amateur et professionnel.
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