Vocation : travailleur de rue
Par : Ariane Aubert Bonn, Initiative de journalisme local
Philippe Fournier-Parent a passé la dernière année et demie à intervenir comme travailleur de rue à Val-des-Sources. Plus qu’un métier, c’est un exercice qu’il accomplit de tout son être.
« Au début, les gens se demandaient ce que je faisais là, à errer dans les parcs et les rues », se souvient Philippe Fournier-Parent, qui a dû s’intégrer progressivement à la communauté de Val-des-Sources, peu habituée de voir des intervenants comme lui sur le terrain. En poste depuis juillet 2020, il a pris le temps de faire connaissance avec les jeunes de 12 à 25 ans pour faire partie de leur réseau et être là pour eux, en fonction de leurs besoins.
Plus qu’un simple intervenant, il est devenu un ami, un confident. « La première semaine, j’étais en création de liens, déjà. Pour moi c’est naturel, mais ça prend du temps. Ce qui est beau dans le métier de travailleur de rue, c’est que je n’ai pas à être autoritaire, comme dans une école, par exemple. Moi je vais donner des conseils, je peux avoir une relation d’ami ou grand frère », dit Philippe Fournier-Parent. Le travailleur de rue n’est pas tenu de dénoncer une situation si la santé ou la sécurité d’une personne n’est pas compromise. Il peut toutefois diriger les jeunes vers des ressources s’ils en ont besoin. « Je peux les référer ou les accompagner. Ça m’est arrivé d’aller au Carrefour Jeunesse-Emploi avec un jeune. J’ai aussi accompagné une jeune au [service] psychosocial. Je vais offrir du soutien. »
« Ce qui est beau dans le métier de travailleur de rue, c’est que je n’ai pas à être autoritaire, comme dans une école, par exemple. Moi je vais donner des conseils, je peux avoir une relation d’ami ou grand frère. »
« Si un jeune me raconte qu’il a fumé, je peux lui demander ce qu’il a fumé, comment il a fumé, je vais m’informer comment il se sentait, c’est plus une discussion pour qu’il soit bien dans ce qu’il fait. Je n’ai pas à le dire à qui que ce soit. »« Des fois les jeunes veulent juste parler. Ils en viennent à me raconter leurs bobos, leurs épisodes de vie où ils ne savent pas quoi faire. Quand on est adolescent, c’est normal, et ça peut être dur de trouver quelqu’un en qui tu vas avoir confiance », ajoute le travailleur de rue, qui se sent privilégié de pouvoir faire partie de l’univers des 12-25 ans de Val-des-Sources. Créer le contact, Philippe Fournier-Parent le fait sur le terrain, mais aussi grâce à la technologie. « Ils vont me contacter par texto, je me suis créé un compte Facebook pour le travail. Tous les jours, j’ai des messages et je jase avec les jeunes. C’est du soutien, ils ne sont pas tout seuls. » Il ajoute que pour certains jeunes, le contact virtuel est plus facile qu’en personne.
Il ne suffit pas seulement d’être présent pour s’intégrer dans un réseau de jeunes. Philippe Fournier-Parent passe souvent par le jeu, les activités. « Je fais du skate, je joue au basketball avec eux. Je ne veux pas être un surveillant », dit-il. Il va même jusqu’à jouer à des jeux vidéo en ligne avec les jeunes du secteur. Ces moments partagés créent un lien, génèrent du plaisir et, parfois, deviennent un prétexte pour parler. Et parler, c’est aussi partager, grandir. « Ils me posent des questions sur la drogue ou la sexualité, sur le consentement sexuel, c’est un sujet qu’ils ne comprennent pas toujours. C’est de l’éducation. Juste donner une petite information, un petit conseil, ça me fait tellement plaisir. Ce sont des petits gestes qui font en sorte que je me sens bien, moi aussi. »
Philippe Fournier-Parent quitte le secteur au cours des prochaines semaines, et mais il est hors de question pour lui de simplement passer à autre chose. « Je reste là par Messenger. Je trouverais ça inhumain de partir en faisant ‘’Bye bye les kids’’. On est des humains, je continue d’être là », dit-il, de tout cœur encore présent, alors qu’un autre défi professionnel l’attend. Il invite d’ailleurs les jeunes à accueillir sa relève comme ils l’ont fait avec lui.
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