Les uns y voient l’avantage de ne pas avoir à sortir, les autres déplorent la perte du contact humain. Avec la pandémie, les étudiants qui se sont soudain retrouvés avec tous leurs cours à distance perdent-ils au change ? Le Détecteur de rumeurs survole l’état des connaissances.

Classe en ligne ou en personne. Laquelle est la plus efficace ?

Malgré des dizaines d’études, de méta-analyses et de revues de méta-analyses sur l’efficacité de l’éducation en ligne, la question continue de se poser.

La recherche s’intéresse depuis longtemps à l’enseignement à distance  : du cours par correspondance à celui par l’intermédiaire de cassettes VHS, et finalement aux classes complètement sur Internet. Robert M. Bernard, professeur au département d’éducation de l’Université Concordia et auteur de plusieurs méta-analyses, s’étonnait d’ailleurs en 2014 de la situation. Il ne semble pas y avoir de fin à la production de méta-analyses en éducation, et les mêmes questions sont posées encore et encore.

C’est qu’on peine bel et bien à obtenir une réponse claire sur l’efficacité d’un mode d’enseignement par rapport à un autre. Pourquoi ? Notamment à cause de la qualité inégale des études, de la multiplicité des disciplines s’intéressant à la question et de l’absence de groupes contrôles dans ces études. Dans les recherches, il est difficile de tenir compte de toutes les variables : la composition du groupe d’étudiants, le type de professeurs, le contenu du curriculum, l’aspect pédagogique, etc.

Cela dit, quelques méta-analyses, dont une préparée pour le ministère de l’Éducation des États-Unis en 2010, semblent indiquer un léger avantage pour l’enseignement en ligne versus celui en classe. Mais les classes qui intègrent les deux approches (appelées classes hybrides) semblent les plus prometteuses.

Avantage à la classe hybride ?

Plusieurs études mettent en effet de l’avant l’avantage du modèle hybride (ou blended, en anglais). La recherche montre qu’il est difficile de garder les étudiants motivés et engagés par des leçons uniquement en ligne. Le modèle hybride, par la présence d’un mentor ou d’un facilitateur lors des séances virtuelles, améliore sensiblement la performance des étudiants. Une méta-analyse réalisée en 2004 mentionnait par ailleurs que la motivation de l’étudiant, la rétroaction, l’encouragement et la perception de l’isolement seraient des facteurs à considérer dans le succès ou l’échec d’une approche, plutôt que le médium lui-même.

L’enseignement en ligne, surtout bon pour les plus motivés et les plus autonomes ?

Quelques études ont conclu que l’enseignement en ligne demande que les étudiants soient motivés, autonomes et bien préparés pour être efficace, avec pour avantage une plus grande flexibilité de lieu et d’horaire. À noter que la motivation peut être vue comme une qualité intrinsèque de l’étudiant, mais qu’elle peut également être tributaire de l’environnement d’apprentissage, que celui-ci soit créé en ligne… ou devant les professeurs. La motivation joue donc un rôle important dans les cours en ligne, mais aussi en classe.

L’apprentissage en ligne peut par ailleurs être amélioré en donnant aux étudiants du contrôle sur leurs interactions et en les amenant à réfléchir.

Une question d’âge ?

Est-ce que l’éducation en ligne est plus efficace chez les plus jeunes ? Pas vraiment. La méta-analyse du ministère de l’Éducation, mentionnée plus haut, indique que c’est une option tout aussi efficace pour les étudiants universitaires et les adultes, provenant de plusieurs disciplines et programmes. Par contre, ses auteurs ajoutaient que trop peu d’études s’étaient attardées aux élèves du primaire et du secondaire pour pouvoir en tirer des conclusions fermes. On peut toutefois penser qu’un jeune plus autonome a des chances de mieux performer à distance qu’un jeune moins autonome.

Efficacité : une mesure impossible à définir ?

Un dernier problème est carrément l’usage des mots « efficacité » ou « efficience ». Que mesure-t-on ? Certaines études évaluent l’efficacité par la réussite des élèves, c’est-à-dire l’atteinte d’objectifs d’apprentissage dans un temps donné (notes et résultats de tests), la rétention de l’information, l’attitude des élèves par rapport à l’apprentissage, ou encore leur satisfaction. Mais des compétences comme la pensée critique ou la collaboration sont difficiles à chiffrer.

L’efficience, quant à elle, veut mesurer les avantages d’une méthode selon les dépenses publiques effectuées. Par exemple, est-ce que les cours en ligne (plus économiques à mettre en place) donnent des résultats égaux ou supérieurs aux cours en personne ?

Robert M. Bernard, cité plus haut, s’interroge sur la pertinence même de comparer les classes en personne et à distance. Il avait observé dès 2004 que les deux exigent des méthodes d’enseignement différentes, des qualifications différentes et des évaluations différentes. « D’un point de vue scientifique, ce genre de question est aussi inapproprié que dépassé », concluait-il 10 ans plus tard : l’éducation à distance fonctionne très bien parfois, et d’autres fois, pas du tout. En revanche, on peut étudier les caractéristiques de chacune des approches et se demander lesquelles se prêtent mieux à l’enseignement à distance ou en personne.

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À cause de la pandémie, tout le système d’éducation s’est arrêté du jour au lendemain. Il est donc difficile d’utiliser le printemps 2020 comme base de comparaison : lors de la brève reprise de juin, la qualité de l’enseignement à distance a été extrêmement variable, compte tenu du peu de temps de préparation ou de formation dont ont disposé les professeurs.

 

Source : Catherine Couturier – Le Détecteur de rumeurs

Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)