À l’approche de la rentrée scolaire, la question se pose dans plusieurs pays où de nombreux parents s’interrogent sur les risques. Le Détecteur de rumeurs fait le tour de la question.
1. Les jeunes sont moins souvent infectés que les adultes
Depuis le début de la pandémie, beaucoup moins de cas de COVID-19 sont rapportés chez les enfants et les adolescents que chez les adultes. Dans des avis publiés en mai, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la Société canadienne de pédiatrie et l’Agence nationale de santé publique de France, estimaient la proportion de cas pédiatriques entre 1 % et 5 % de l’ensemble des cas déclarés, selon les pays. Aux États-Unis, les individus de moins de 18 ans représentent 2 % des cas, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Il y a toutefois un bémol : ces données épidémiologiques se basent sur les cas déclarés de COVID-19. Or, les enfants sont reconnus pour contracter des formes bénignes de la maladie, voire ne pas développer de symptômes du tout. En outre, cette population a été peu ciblée par les campagnes de dépistage depuis le début de la crise, contrairement aux voyageurs ou aux travailleurs de la santé. On peut en déduire que les infections chez les plus jeunes ont été sous-estimées.
Des pédiatres québécois et directeurs de départements pédiatriques dans les hôpitaux universitaires se sont néanmoins faits rassurants dans une lettre publiée en mai, peu après l’annonce de la réouverture des écoles et des garderies. « Des enfants atteints du virus, on en voit très, très peu. Et ce sont des patients qui n’ont même pas été hospitalisés », a déclaré à La Presse + l’un des signataires, le Dr Marc-André Dugas, chef du département de pédiatrie au CHU de Québec.
2. Les enfants transmettent moins facilement la COVID-19 que les adultes.
Pour l’instant, on en sait peu sur la dynamique de transmission de la COVID-19 chez les enfants. « Les études sur le sujet […] rapportent des résultats divergents et présentent le biais d’avoir été réalisées alors que les écoles étaient fermées ou que le confinement à la maison était fortement recommandé », souligne l’INSPQ.
Quelques études sont néanmoins encourageantes. En juillet, l’une de celles-ci rapportait que les enfants de moins de 16 ans seraient peu susceptibles de transmettre la COVID-19 à leurs parents ou à leurs semblables, et ce, même si leur charge virale est typique de celle d’un adulte. Une étude de l’Institut Pasteur disponible en prépublication (donc non révisée par les pairs) concluait quant à elle que les enfants de niveau primaire seraient moins contagieux que les adultes et, de manière surprenante, que les adolescents. Cela fait écho aux conclusions d’un groupe coréen parues en juillet, selon lesquelles les jeunes de 10 à 19 ans porteurs du virus sont tout aussi susceptibles de le transmettre que les adultes.
Qu’est-ce qui explique cette différence entre enfants et adolescents ? Une hypothèse parmi d’autres veut que les premiers manifestent moins de symptômes de toux sèche et soient dotés d’un plus petit appareil respiratoire. Cela limiterait la propagation de gouttelettes dans l’air, l’un des principaux moyens de propagation du virus selon l’Organisation mondiale de la santé. Cette théorie fait toujours débat.
Cela laisse toutefois pendante la question du risque de transmission aux populations plus vulnérables, par exemple les grands-parents de ces enfants.
3. La réouverture des écoles ce printemps s’est somme toute bien passée.
En dépit des craintes, plusieurs écoles ont rouvert leurs portes aux quatre coins de la planète. L’opération ne s’est pas traduite par une flambée de nouvelles infections, lit-on dans une analyse de l’expérience d’une quinzaine de pays réalisée par des scientifiques de l’Université de Washington.
Au Danemark et en Norvège, les enfants de niveau primaire ont réintégré les classes dès avril, sans augmentation significative, dans leurs rangs, du nombre de cas positifs à la COVID-19. En Allemagne, tous les étudiants, même les plus âgés, sont retournés à leurs cours au début du mois de mai; le nouveau coronavirus circule depuis entre eux, mais semble épargner les enseignants. En Chine, on mentionne que, sur 43 cas d’enfants porteurs du SRAS-Cov2, « aucun contact familial de ces enfants n’a été par la suite infecté », mais il s’agit d’un petit échantillon.
Au Québec, environ un mois après la réouverture des écoles primaires hors de la région de Montréal, le bilan dressé par le milieu était assez positif. En date du 21 juin, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur recensait moins de 80 cas de COVID-19 dans les écoles. À la fin mai, le directeur national de la santé publique Horacio Arruda qualifiait le retour à l’école d’expérience « très positive », en dépit de la quarantaine d’infections alors recensées.
4. Aucune « bonne » manière de rouvrir les écoles ne fait consensus.
Chaque pays a eu sa méthode. Les stratégies, très variables, traduisent l’absence de consensus en la matière, soulignent les chercheurs de l’Université de Washington. Au Danemark, seuls les moins de 11 ans ont réintégré les bancs d’école. Et pas n’importe comment : en « microgroupes » d’un maximum de 12 étudiants, chacun doté de son horaire, de son propre professeur et de sa zone attitrée de jeu dans la cour de récréation.
En Israël, les autorités ont elles aussi limité la taille des classes, au début mai. Mais deux semaines plus tard, cette politique a été abandonnée. Résultat : une forte hausse des infections chez les étudiants et les membres du personnel et ce, dans plusieurs écoles. On peut tout au plus en conclure que l’instauration d’un cocktail de mesures, comme des horaires décalés, des groupes restreints ou, plus rarement, le port du masque, semblent la voie à suivre. Mais on ne sait pas si l’une de ces mesures est plus efficace que les autres.
Par ailleurs, la situation est tout autre si on se trouve dans une communauté où le taux de contagion est très élevé, comme c’est en ce moment le cas dans plusieurs villes des États-Unis.
5. La sous-scolarisation de 2020 pourrait nuire au développement de l’enfant.
À plus long terme, c’est la question dont la réponse risque de demander le plus de temps. Au plus fort du Grand confinement, en avril, plus de 90 % des élèves dans le monde ne pouvaient pas fréquenter physiquement les classes, selon des chiffres cités par The Economist. Même si ce pourcentage a considérablement chuté depuis, un fait demeure : ces quelques semaines ou quelques mois d’absence pourraient avoir un impact sur le développement de ces jeunes.
Dans un avis sur la question, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) indique que la fermeture des écoles sur une trop longue période favorise l’isolation sociale. Cela a pour effet de créer un terreau fertile à l’apparition de problèmes d’apprentissage, sans parler de l’augmentation des cas de violence familiale, de dépendances et de dépression. En outre, l’AAP évoque des enjeux de sécurité alimentaire et de sédentarité chez les jeunes. Un éditorial publié dans la revue scientifique The Lancet Public Health en mai, assimile la fermeture généralisée des écoles à une « crise sociale en devenir ».
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) dresse une liste des impacts négatifs découlant de la fermeture des établissements scolaires due à la COVID-19. L’institution onusienne évoque le manque de préparation des parents à l’enseignement à distance et à domicile, l’inégalité d’accès aux portails d’apprentissage numérique et les lacunes en matière de garde d’enfants, comme autant de raisons qui expliquent en quoi cela est préjudiciable pour les enfants mais aussi pour leurs familles.