Je voudrais féliciter les membres du conseil municipal pour le choix judicieux du nom de Madame Murielle Lallier, l’instigatrice et la directrice de l’Écocentre, qui y œuvra pendant 20 ans. 

Par contre, le remplacement du toponyme « rue de l’Amiante », par celui de la « rue des Bâtisseurs » m’a laissé perplexe. 

Autrefois, on n’a pas craint d’honorer nos bâtisseurs religieux, nos saints(tes), patrons(nes). Les administrateurs anglophones de la C.J.M. ont eu droit à leurs noms de rue, probablement en reconnaissance pour le travail accompli au fil des ans, et ce de leur « vivant ». Et en 1999, lors du Centenaire de notre ville, la Société d’histoire d’Asbestos a reconnu le travail de 13 femmes qui « ont bâti Asbestos ». Ces femmes avaient œuvré dans toutes les sphères d’activités qui permettent de rendre une ville vivante; affaires communautaires, scolaires, syndicales, santé, éducation et municipales.

Je pense qu’il serait permis de « rebaptiser » certains boulevards et certaines rues d’un nouveau toponyme, symbole de la modernité qui veut prendre place chez nous et qui donnerait un sens au mot « Sources ».

Ainsi, le toponyme des « Bâtisseurs » pourrait être remplacé par rue François Garneau, un gars de chez nous, reconnu pour le « père de la pantoufle en mouton » partout en Amérique. De plus, il a été un des premiers à habiter le parc industriel et il y est toujours.

Le boulevard du Conseil 1977, que tout le monde appelle « la voie de contour » devrait porter le nom de Louise Moisan. Elle fut la première femme conseillère municipale et ce pendant 12 ans et la première mairesse pendant 8 ans. Elle a été honorée lors de nos thés à la « victorienne » en 1999.

La rue du Roi, qui n’a jamais reçu la visite des maîtres d’Angleterre, pourrait porter le nom de Rodolphe Hamel, l’ardent défenseur des droits des mineurs et père d’une dynastie d’hommes et de femmes enseignantes engagés au Conseil Municipal et grand-père de remarquables deux anciens joueurs de la L.N.H.

Le boulevard St-Luc a été nommé en l’honneur du curé qui a œuvré pendant 42 ans à Asbestos, Mgr Luc-Napoléon Castonguay. Une rue Mgr Castonguay existe déjà et une ancienne école, devenue une Résidence privée pour ainés, continue de l’honorer. On devrait donner le nom de Bernard Coulombe à ce boulevard. 

Laissant la route 255 à droite, le gros camion de 200 tonnes attire l’attention. Il fallait voir les yeux des petits enfants se mesurant à la hauteur des pneus et l’œil brillant des messieurs en regardant ce mastodonte. Ils rêvaient d’en prendre le contrôle et d’aller faire un tour et voir les petits « Tonka » prendre d’assaut les paliers de la mine. 

Monsieur Coulombe a permis de loger ce camion. Il a aussi réaménagé le pourtour du puits minier afin d’en assurer la sécurité et permettre aux gens d’ici et d’ailleurs d’admirer la beauté de ce grand lac tout bleu, tout en haut de l’observatoire. Le quartier Jeffrey, récemment inauguré par la Ville, fut rendu possible grâce encore au dernier propriétaire de la mine qui a fait végétaliser les terrains de résidus miniers. Et au bout du boulevard, la tour Jeffrey attend patiemment un jour où elle répondra « présente » et « je me souviens ». 

Toujours à notre droite, laissant l’aréna, on ne manque pas d’apercevoir le clocher de la 3e église St-Aimé, convertie en une superbe bibliothèque; elle devrait s’appeler la Bibliothèque Roger Laliberté.

Est-ce que l’on connait tout le travail que cet homme a accompli à partir des années 60 pour doter sa ville d’une vie culturelle très intense? Avec ses copains de la Jeune Chambre de Commerce, il a fondé la bibliothèque publique d’Asbestos. Afin de générer des fonds pour la réalisation et la continuité de ce projet, il a concocté la tenue du premier Salon du Livre au Québec, avant celui de Montréal. Il nous a permis d’entendre tous les écrivains et écrivaines d’ici, de passage le soir de l’ouverture de ce Salon et ce pendant 25 ans. C’était la sortie culturelle de l’année! D’autres citoyens et citoyennes ont pris la relève avant que se tienne « La semaine du livre » à la grandeur du Québec. Il a été membre du Conseil Supérieur de l’Éducation, meneur du Comité des Mines et fondateur du Musée minéralogique et d’histoire minière d’Asbestos, en plus de bien d’autres activités.

Une partie des artéfacts du musée a pris place à gauche en entrant dans la bibliothèque. Je proposerais que cette espace prenne le nom « d’Espace Francesco Spertini, John Millen et Dennis Castonguay ». Ces messieurs ont consacré plus de quarante ans de leurs loisirs à faire découvrir cette richesse qui a donné naissance à notre ville.

Je sais, il y a un Guide toponymique municipal qui existe. Il conseille d’attendre avant de nommer les lieux du nom des personnes que nous voulons honorer.

Si vous faites le tour des rues de tous les quartiers de notre ville, vous apprendrez que très souvent, les noms des rues qui ont été retenues sont ceux des familles des premiers propriétaires des nouvelles maisons construites par eux. Ils mettaient la Ville ou plutôt le Bureau de Poste devant le fait accompli, pendant qu’ils étaient vivants. En 1999, on a fait une recherche afin de connaitre les résolutions des conseils municipaux autorisant la toponymie des rues de notre cité. Elles étaient très, très rares.

Qu’il me soit permis de noter qu’une école multiethnique de Montréal-Nord porte le nom de Gilles Vigneault et il est encore là, à 92 ans. L’ancien maire de Sherbrooke, Jean Perreault a sa « Place Jean Perreault ». Connie Dion était très heureux lorsqu’on a « baptisé » à son nom son lieu de travail pendant de nombreuses années.

Pourquoi les « vivants » n’auraient pas la satisfaction de savoir qu’on a reconnu leur long travail afin de pérenniser leur souvenir et notre reconnaissance.

En 2024, notre Ville comptera 125 ans d’existence. Comme M. le Maire dit toujours qu’un nouveau nom ne permet pas d’oublier l’histoire, ce serait bien que ces humbles suggestions puissent trouver preneur d’ici là. « Vivre pleinement » voudrait aussi dire cela…

Selon Serge Bouchard, notre anthropologue de regrettée mémoire : « le toponyme a tout un pouvoir. C’est tout un pouvoir d’évocation et de réminiscence qu’un nom de lieu se doit de faire l’objet d’une grande attention. Si on nomme les choses à la sauvette, sans trop réfléchir, on risque de passer à côté de la valeur de l’évocation, de la beauté des mots et de la poésie du monde! » (Source : Un café avec Marie, de Serge Bouchard, Éditions Boréal, 2021)

Merci de votre attention à me lire et de votre réponse à mes suggestions.

 

Pierrette Martineau Théroux

2021-10-28