Texte par Bruno Lefebvre, médecin de famille du Val-Saint-François
Opposition au non-remplacement de l’appareil de radiographie du centre Multiservice de Windsor
Bonjour,
En tant que médecin de famille exerçant dans cette région depuis quatre ans, je souhaite exprimer ma profonde inquiétude et mon opposition à la fermeture éventuelle du service de radiographie médicale à Windsor. Cette décision, motivée par le vieillissement de l’appareil de radiographie qui a jadis été financé par la fondation du CSSS du Val-St-François, entraînera des conséquences néfastes sur la qualité des soins offerts à nos patients. La décision n’est pas encore prise, mais une épée de Damoclès est sur notre tête.
Quelle direction devons-nous prendre ? Est-ce qu’il est judicieux de demander à nos patients de se déplacer de « seulement » 30 km de plus pour aller faire une radiographie qui a un impact clinique ?
Je vous propose de faire l’histoire d’un cas fictif pour comprendre l’impact sur les différentes perspectives.
Un patient vivant à Richmond va rencontrer un médecin au centre multiservice de Windsor, car il tousse depuis 1 semaine et fait de la fièvre depuis 3 jours. À la suite de son évaluation, le patient doit se diriger vers Sherbrooke où il subit une radiographie des poumons. Le résultat est transmis le lendemain au médecin. Le médecin prescrit le traitement qui est envoyé à la pharmacie et le patient est avisé du résultat par téléphone. Jusqu’ici, cela semble raisonnable.
Imaginons maintenant qu’il ne peut pas se déplacer seul. Il demande de l’aide à un de ses enfants vivant dans le village voisin pour l’accompagner à son rendez-vous médical. Celui-ci manque du travail, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un membre de sa famille ? Finalement son médecin lui demande de faire une radiographie pour préciser le diagnostic :
— « Est-ce qu’on peut y aller demain ? Ma femme va à Sherbrooke, elle pourra l’amener, dit le fils.
— Non, je veux être sûr qu’il n’a pas une pneumonie, car, sinon on devra débuter des antibiotiques le plus tôt possible, répond le médecin. »
Alors, ils se dirigent vers la clinique de radiologie à 30 km de la clinique médicale et à 45 km de la maison, où ils doivent attendre pour faire la radiographie. Finalement ils peuvent retourner à Richmond et le fils rentre à sa maison, il a pris sa journée de travail au complet.
Dans ce scénario, il est vrai que le patient a « bien » été traité, le système de la santé a probablement économisé de l’argent, mais est-ce que la société en est gagnante ?
Je suis né dans un hôpital de région et, avec la diminution de la natalité, je comprends très bien la centralisation des institutions de naissance, ce qui a permis de diminuer la mortalité à la naissance, mais surtout les complications néonatales. Je suis heureux de savoir que le service de prélèvement sanguin doit rester un service de proximité, mais jusqu’où doit-on aller pour économiser ? Quelle est la prochaine étape ? Il y a un appareil de radiographie dans le cabinet de votre dentiste ! Est-ce vraiment utile qu’il y ait une clinique médicale dans les petites villes ? Est-ce que le système de transport en commun est prêt pour la centralisation des soins de santé ? Quel est l’impact d’augmenter les déplacements des gens malades ? L’impact sur l’économie (heures de travail perdues), l’impact sur la planète (gaz à effet de serre du déplacement). Tout ça en négligeant l’impact sur la qualité des soins. Je suis médecin de famille et je suis habitué à donner les meilleurs soins avec le minimum de ressources. Alors, je vais continuer de m’adapter et de m’assurer qu’il y ait un accès universel aux soins, mais j’ai besoin de savoir jusqu’où vous êtes prêt à aller.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
Bruno Lefebvre, médecin de famille du Val-Saint-François
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